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Voyages Inter-Nations : une agence autochtone à Wendake

Bien qu’il soit installé au cœur de la réserve huronne de Wendake, en banlieue de Québec, le point de ventes n’appartient pas aux Hurons, mais à trois communautés des Innus de la Côte-Nord : celles de Mingan (Ekuanitshit), de La Romaine (Unamen Shipu) et de Saint-Augustin (Pakua Shipu).
Lors de sa fondation en 1989, l’agence s’appelait Voyages Pierre Soucy et elle était installée sur le boulevard Hamel, non loin de l’aéroport de Québec. Les Innus (qu’on appelait autrefois « les Montagnais ») se sont impliqués dans l’actionnariat en 1992 et en sont devenu les uniques propriétaires, trois ans plus tard.
« Nos conseils de bandes gèrent l’ensemble des services à la communauté, soit la commission scolaire, l’office d’habitation, la sécurité publique les services techniques, les services sociaux et les services de santé, ce qui se traduit par beaucoup de déplacements entre nos villages et les grands centres et, par conséquent, par un volume d’achat de billets d’avion imposant », explique Yves Bernier, directeur de la Société des entreprises innues d’Ekuanitshit et président du conseil d’administration de Voyages Inter-Nations.
« Nous nous sommes demandés pourquoi, ajoute-t-il, nous n’achèterions pas une agence, ce qui nous permettrait de bénéficier d’un retour sur les sommes que nous dépensons en frais de déplacement. »
Peu après être devenus propriétaires à part entière, les Innus décidaient de déplacer l’entreprise en territoire autochtone.
Un secteur à développer
« Au départ, le point de ventes était situé à proximité de l’aéroport parce que cela nous permettait d’y livrer rapidement des billets d’avion, mais avec l’avènement de la billetterie électronique, cette situation géographique n’avait plus de raison d’être », remarque Patricia Lalo, qui est active dans l’agence depuis 20 ans.
« Nous avons décidé de nous installer sur une réserve et, en1996, nous avons déménagé à Wendake, précise-t-elle. Nous avons d’abord emménagé au second étage d’un édifice à bureaux, puis dans un rez-de-chaussée, ce qui nous permet d’avoir pignon sur rue et de nous faire voir de la population, car nous voulons développer le secteur des voyages d’agrément. »
Patricia Lalo (Photo Luc Leclerc, Groupe Ekuanitshit)
En effet, l’agence est principalement active dans le créneau des voyages corporatifs. Elle émet les billets d’avions des gestionnaires et des employés des services relevant des conseils de bandes, mais aussi ceux de plusieurs entreprises non-autochtones installées sur la Basse-Côte-Nord et en Minganie, notamment les sociétés minières actives dans la région et les compagnies de construction présentes sur le chantier de La Romaine. Elle s’occupe également des déplacements des malades ou des personnes qui doivent se rendre dans les grands centres pour des traitements médicaux.
« Les comptes corporatifs pèsent pour un peu plus de 70% de nos activités, mais au milieu des années 1990, c’était près de 100%, remarque Patricia Lalo. Nous bénéficions de tarifs préférentiels très intéressants sur les compagnies qui desservent la Côte-Nord. Sur Provincial Airways, les réductions atteignent 50% des tarifs publiés et nous avons également des ententes avantageuses avec Air Canada et Air Labrador. Cela nous permet de décrocher aussi les comptes d’entreprises qui n’appartiennent pas aux Innus.
« Mais depuis 1996, nous essayons de développer le secteur « loisirs », enchaîne notre intervenante. Les Innus, qui ne se sentaient en sécurité que lorsqu’ils voyageaient en groupes, prennent l’habitude de voyager « en individuels ». Nous programmons également des groupes. Comme les Innus sont très pieux, en 2014, nous avons organisé deux voyages de pèlerinage en Italie. L’un, que j’ai accompagné dans les Cinq Terres, en Toscane et à Rome, pour la béatification de Kateri Tekakwitha, et l’autre, la même année, pour celles de Jean-Paul II et de Jean XXIII. Nous avons programmé un circuit « Sur les traces de Jean-Paul II », en Pologne et en République tchèque, en mai prochain. »
Développer le tourisme autochtone
L’agence entend également développer des spécialités.
« Le tourisme autochtone prend de plus en plus d’ampleur, au Québec, et nous voulons miser sur les liens que nous entretenons avec les autres nations pour commercialiser leurs produits, annonce Yves Bernier. Actuellement, nous commercialisons trois pourvoiries, axées sur la pêche à la ouananiche ou au saumon – et parfois les deux. Deux pourvoiries sont situées en Minganie, à proximité d’Ekuanitshit (ou de Mingan pour la dénomination francophone) et la troisième près d’Unamen Shipu (La Romaine).
Voyages Inter-Nations emploie sept conseillers à temps plein, incluant la directrice, et deux agents extérieurs.
Patricia Lalo est entourée par Yves Bernier et par Mylène Chicoine, qui agit comme agent externe.
Ensemble, les trois communautés propriétaires, dont deux, Unamen Shipu (à 400 kilomètres au nord-est de Sept-Îles) et Pakua Shipu (à 550 kms) ne sont pas reliées par la route au reste du monde, regroupent une population d’environ 2 000 habitants.
« Au départ, la communauté de Natashquan (Nutaskhuan, en Innu) était également partenaire, mais ils se sont retirés en 1995 et depuis, les trois autres détiennent chacune 33,33% des actions », précise Yves Bernier.
À noter que les quatre communautés sont regroupées au sein d’une structure baptisée Mamit Innuat, qui signifie «Les Innus de l’Est», par opposition aux Innus de l’ouest qui habitent les réserves situées à Sept-Îles, sur la Haute-Côte-Nord et dans la région de Schefferville.
L’investissement dans une agence de voyages semble s’être avérée profitable. « Nous avons récupéré notre mise de fonds depuis quelques années déjà et à la fin de presque chaque année, une partie des profits est partagée entre les trois conseils de bande », conclut Yves Bernier.