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Vendredi,  7 novembre 2025   12:49
Ce que les discounters pensent de la relation Mandant/Mandataire

«Si je gratifie mon client parce qu’il achète chez moi, c’est mon affaire; pourvu qu’elles ne débordent pas du cadre de la légalité, personne n’a le droit de s’immiscer dans mes relations avec mon client», lance ce patron de discounter. Sans surprise, lorsqu’on leur demande de commenter la relation mandant/mandataire imposée voici 10 ans par les principaux grossistes Sud, les propriétaires des agences en ligne ne tarissent pas de commentaires acrimonieux. Certains d’entre eux ont des mots durs pour les fournisseurs et pour le réseau de distribution traditionnel.

Ils sont trois à nous avoir accordé une entrevue et, mise à part Sylvie Myre, présidente de Voyages À Rabais, ils n’ont accepté de nous parler que sous garantie d’anonymat, afin de préserver des relations harmonieuses avec leurs fournisseurs.

 Sylvie Myre, présidente de Voyages À Rabais«On dit que la relation mandant/mandataire (M/M) a stimulé la créativité, mais c’est faux : elle l’a tuée et elle a entravé le jeu de la libre concurrence», estime Sylvie Myre, présidente de Voyages À Rabais. «Elle a obligé les fournisseurs à jouer la police et créé des distorsions. Cela ne nous a pas empêchés de continuer à conquérir des parts de marché, mais il est certain que cela a ralenti notre expansion.»

Pour compenser l’imposition de limites aux ristournes qu’elle accordait aux clients, Voyages À Rabais – tout comme les autres agences en ligne – accorde des «plus value» : ristournes sous forme de points dans le cadre d’un «Club Privilège», coupons-cadeaux et trois «Protections», parmi lesquelles la fameuse Protection Soleil, mais aussi une «Protection annulation» et une autre contre la baisse des prix.

Pour un de ses concurrents, la relation mandant/mandataire est une entrave à la liberté d’entreprise pourtant garantie par la législation. «En 2005, elle a été introduite par le biais de Nolitours, sous prétexte de contrer Go Travel Direct, mais en réalité il s’agissait surtout de protéger les parts de marché des agences membres du réseau de distribution de Transat qui ne pouvaient pas fonctionner sous un certain seuil de rentabilité et qui exerçaient d’énormes pressions sur la centrale», dit-il.

Et un autre affirme que la relation M/M est bien commode pour les fournisseurs, car elle leur permet de vendre en direct sur le Web en se ménageant une marge bénéficiaire acceptable.

«Sur leur site ils le vendent au prix régulier, pour ne pas se faire accuser de discounting par les agences traditionnelles, mais aussi parce qu’ils ont besoin de ces marges pour couvrir leurs frais», dit-il.

«Nous, les agences en ligne, notre structure nous permettrait de le vendre moins cher, mais ils ne veulent pas de ce type de concurrence. Résultat, nous nous débrouillons comme nous pouvons en offrant des coupons-rabais et d’autres avantages, alors que nos clients préfèreraient des réductions de tarifs. Les fournisseurs nous appellent régulièrement pour nous dire : «Tu n’as pas le droit d’offrir ça!».

 Ils nous obligent à offrir des bouilloires, quand les clients nous demandent des fours à microondes.»

La faute aux t.o.?

Philippe SureauOn nous fait également observer que plusieurs agences annoncent des rabais sur les sites d’achats groupes comme Groupon ou Tripon. «Mais lorsque nous faisons remarquer ça aux fournisseurs, ils nous rétorquent que ça ne passe pas par le système Softvoyage! C’est n’importe quoi. Ils établissent les règles et les changent à leur convenance et, en plus, ils nous demandent de leur donner des idées. C’est pourtant Transat qui a initié le discounting, avec D-7.»

Ce à quoi convenait volontiers Philippe Sureau, en 2005. Alors porte-parole de Transat, il déclarait :

«C’est vrai que les discounters ont été fabriqués par les t.o. lorsqu’ils se sont retrouvés en situation de surcapacité. Pour les grossistes, c’était souvent une question de vie ou de mort : ils ne pouvaient pas laisser périr une marchandise hautement périssable, le siège d’avion, sans essayer d’en retirer un peu d’argent. C’est en Ontario que le phénomène a pris le plus d’ampleur, parce que c’est là que la surcapacité est la plus importante. Mais ce n’est pas en maintenant des prix élevés et des commissions élevées qu’on règlera le problème», commentait-il.

Légal ou pas?

Lorsqu’on lui demande si la relation M/M contrevient à la Loi sur la concurrence, Sylvie Myre estime que c’est «limite». Elle évoque l’exemple de Mont-Blanc ou d’Apple qui obligent leurs revendeurs à distribuer leurs produits aux prix imposés. «Mais dans le cas de Mont-Blanc et d’Apple, les règles étaient bien connue au départ», remarque-t-elle. «Nous, on nous a court-circuités en cours de route, alors que toute notre structure informatique et logistique était conçue pour fonctionner au volume avec des prix réduits.»

Et un de ses confrères à qui nous avons demandé pourquoi il ne contestait pas la validité de la relation M/M devant les tribunaux nous a rétorqué : «Une action en justice traînerait en longueur et coûterait une fortune. Je ne tiens pas à confronter mes fournisseurs sur ce terrain là. Et puis nous sommes une dizaine à travailler au volume sur le Web. Pourquoi irai-je payer pour les autres? À mon avis ce serait aux associations comme l’ACTA ou l’AAVQ de le faire.»

Qu’en pensent les fournisseurs ?

Chez Transat, on est bien conscient que les agences en ligne préfèreraient ne pas être bridés par cette entrave qu’est la relation M/M.

 «Ce sont d’excellents clients et nous entretenons d’excellentes relations avec eux», constate Louise Fecteau, directrice commerciale de Transat Tours. «Si on leur donnait la possibilité de baisser les prix davantage, ils les baisseraient. Mais les limites que les fournisseurs leur imposent leur permettent malgré tout de dégager de meilleures marges bénéficiaires.»

D’autres conviennent néanmoins, mais en aparté, qu’il n’est pas logique que, dans un régime de libre entreprise, les fournisseurs puissent interdire à ses distributeurs d’accorder des réductions à ses clients.

 «Dans un système capitaliste, tout le monde part de zéro et c’est celui qui sait le mieux s’adapter au marché qui gagne, dit l’un d’eux. Or, le marché, c’est la demande, c’est-à-dire le consommateur. Le consommateur veut de meilleurs prix et, dans une certaine mesure, on lui dit non. Cela ne correspond pas à la logique du système. Aujourd’hui, les agences traditionnelles pleurent et menacent parce qu’elles ont perdu quatre ou cinq points de commission. Mais c’est pour les protéger, pour leur permettre de survivre, que nous en sommes tous venus là.»

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