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Mardi,  29 avril 2025   1:42
Deux drames, deux poursuites: jusqu’où va la responsabilité du voyagiste et de l’agence?
Me Daniel Guay. [Arrière-plan : Pexels – Kaboompics.com]


Deux poursuites civiles impliquant des acteurs du voyage ont récemment retenu l’attention, soulevant des questions sur la responsabilité des voyagistes et agences de voyages dans de telles circonstances.


Deux affaires tragiques !

La première poursuite, rapportée par PAX le 27 janvier, émane de la famille Gougeon. Deux de ses membres sont décédés en décembre 2023 des suites d’une intoxication alimentaire au Viva Dominicus Beach by Wyndham Resort, en République dominicaine. Un an plus tard, la famille intente une action contre plusieurs entreprises touristiques impliquées, dont Transat et Wyndham.


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La seconde poursuite, révélée par le Journal de Montréal le 17 janvier, concerne le décès de William Gareau, un Québécois de 25 ans mort en janvier 2024 après une chute du balcon de son hôtel, le Grand Bahia Principe Ambar. Ses parents, Sylvie Marcotte et François Gareau, soutiennent qu’il aurait été drogué à son insu et reprochent à Transat ainsi qu’à Club Voyages Orientation leur « insouciance », leur « imprudence » et leur « négligence grossière ». Ils réclament 1,5 M$ en dommages.

Ces drames suscitent indéniablement une vive compassion. Mais dans l’industrie, des interrogations émergent : pourquoi poursuivre le voyagiste (dans les deux cas) ainsi que l’agence de voyages (dans le second cas) ? Plusieurs estiment que, si une faute est à déplorer, elle devrait incomber à l’hôtel...


Une responsabilité partagée ?

Concernant le cas de la famille Gougeon, le père, Stephen Gougeon, a expliqué que lui et sa femme croyaient avoir fait affaire avec des compagnies bien établies, garantissant des normes élevées de santé et de sécurité. À cet égard, « la famille Gougeon a été abandonnée à plusieurs niveaux », tranche Me Meghan Hull Jacquin, l’avocate du cabinet Howie, Sacks & Henry LLP qui représente la famille Gougeon.

Quant aux parents de William Gareau, ils reprochent aux entreprises poursuivies de ne pas avoir informé les voyageurs des risques liés à leur hôtel et leur destination. Ils évoquent des incidents antérieurs d’intoxication et de comportements psychotiques soudains survenus sur place.

« Mon fils unique de 25 ans est mort à cause des lacunes du personnel de cet hôtel et du manque de formation des agents de sécurité. En plus d’avoir été drogué à son insu, personne n’a été en mesure de le garder en sécurité ni de le soigner. Je pense que c’est une très bonne chose que les agents de voyages, soient informés des risques de la République dominicaine », résume Sylvie Marcotte, dans un courriel à PAX.

Il convient de noter que dans l'autre affaire, il est également affirmé que la poursuite cherche à mettre en lumière les lacunes dans les procédures et à prévenir de futures tragédies similaires.

Mais si ces poursuites ont pour objectif d’obtenir justice et de prévenir d’autres drames, elles soulèvent aussi une question centrale : jusqu’où s’étend la responsabilité des agences et voyagistes qui vendent un voyage face aux incidents survenant à destination ?


Les agents doivent se préoccuper de la bonne exécution des services promis, sinon…

PAX a interrogé Me Daniel Guay, avocat réputé spécialisé dans le domaine du voyage, sur les responsabilités respectives des différents acteurs du voyage dans de telles situations.

D’entrée de jeu, l’avocat tient à préciser qu’il ne peut pas se prononcer sur les deux dossiers dont il est question ici, n'en connaissant pas suffisamment les détails. Ses observations sont donc d’ordre général.

Cette précision étant apportée, Me Guay rappelle aussitôt que les agents de voyages ne vendent pas des morceaux de papier : ils vendent la garantie de l'exécution des services promis dans les documents de voyages remis aux clients.

« En ce sens, ils se portent garants des services qui seront à rendre par les divers fournisseurs impliqués, soit les voyagistes, transporteurs, hôteliers, etc. », explique-t-il.

Ce n’est pas la première fois que l’avocat insiste sur l’importance pour les agents de voyages de veiller à la bonne exécution des produits et services achetés par leurs clients. Ceux qui négligent cette responsabilité s’exposent à « payer les dommages que la faute du fournisseur cause aux clients », martèle-t-il depuis des décennies.

Dans les années 1990, Me Guay avait même publié une fable intitulée « Le détaillant, le grossiste et le transporteur aérien » (inspirée de faits réels) pour avertir ceux qui « se vautrent dans l’insouciance » des dangers qui les guettent ! On en cite un extrait :

  • Quant au détaillant, au piège fut pris.
  • Il n’était qu'intermédiaire? Tant pis.
  • Il n'avait qu'à faire affaire
  • Avec des gens à leurs affaires !


Une obligation de résultat 

Dans un registre moins poétique, Me Guay rappelle que le contrat de service liant un client et une agence de voyages comporte une « obligation de résultat ». Plus précisément, l'agent de voyages est assujetti à cinq obligations :

  • le devoir de choisir des fournisseurs de produits et services compétents;
  • le devoir de sécurité;
  • le devoir d'assistance;
  • le devoir d'information;
  • le devoir de fournir des services conformes aux représentations effectuées.

Me Guay souligne que les tribunaux ont à maintes reprises pris en compte le respect de ces obligations dans leurs décisions. L’avocat cite plusieurs exemples concrets pour illustrer ce point.

● L'affaire « Lebel c. Transat Tour Canada inc. (Nolitours) » (2009) : Des clients menacés, ligotés et cambriolés par des malfaiteurs armés dans la chambre d'hôtel en République dominicaine ont obtenu gain de cause contre l’agence et le grossiste.

●  L'affaire « Sirois c. Vacances Sunwing » (2022) :  Une histoire abracadabrante d'extorsion et de corruption, où un voyageur au Mexique a été détenu et malmené pendant plusieurs heures. Le juge a estimé que Sunwing avait failli à ses obligations de sécurité et d'assistance. « Sunwing devrait avoir des ententes avec des hôtels dont les employés prendraient la défense des clients ou des moyens pour leur éviter des drames comme celui vécu par le demandeur », a écrit le magistrat.

Selon l’avocat, la jurisprudence regorge d’innombrables affaires similaires, où les demandeurs réussissent à prouver la faute de l'hôtelier, la négligence des représentants des voyagistes à destination, un défaut d'assistance, un manque évident de sécurité, etc.

Cela étant dit, Me Guay note également que certains jugements plus récents ont, au contraire, exonéré des détaillants en voyages en invoquant la « force majeure », soit un événement imprévisible et irrésistible…

Bref, les professionnels du secteur devraient rester vigilants tandis que la portée exacte de la responsabilité des acteurs du voyage demeure un sujet de débat !


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