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Retour de l'arnaque à l'hameçonnage d'Abidjan: la première agence victime remporte la 1re manche

Depuis décembre 2023, au moins trois agences québécoises ont été victimes d’une arnaque du type « Abidjan Phishing Fraud Scheme ».
La première victime (représentée par Me Daniel Guay, avocat spécialisé en matière de voyage) a toutefois remporté la première manche dans son affrontement contre l’IATA qui la tenait pour responsable des pertes.
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Rappel des faits
Rappelons d’abord les faits.
À la mi-décembre, en entamant leur semaine de travail, les employés de l’agence montréalaise se sont rendu compte que durant la soirée du samedi précédent, la plateforme Sabre avait été utilisée pour émettre une centaine de billets de classe tarifaire élevée de Royal Air Maroc pour des vols au départ de la Côte d’Ivoire (Abidjan) le dimanche matin.
Aussitôt la fraude découverte, l’agence a contacté la RAM. Les vols aller étant déjà réalisés, la compagnie a toutefois pu annuler les vols de retour. Avec l’appui de l’IATA, elle a ensuite entrepris l’envoi de débits mémos à l’agence pour les pertes encourues.
Sitôt mandaté, Me Guay a porté l’affaire auprès du Commissaire aux agences de voyages (en anglais, Travel Agency Commissioner – ou TAC).
Il a plaidé que l’agence n’avait commis aucune négligence. De fait, tous les employés ayant accès au GDS ont déclaré sous serment (dans des affidavits) ne pas avoir répondu à des tentatives d’hameçonnage ni partagé leurs mots de passe.
À l’inverse, la RAM a été négligente, a argumenté l’avocat, puisque l’agence en question n’avait pas fait affaire avec la RAM depuis au moins dix ans. « Alors, quand tout d’un coup, en pleine nuit, une centaine de billets sont émis pour 200 000 $, quelqu’un chez la RAM aurait dû se rendre compte qu’il y avait anguille sous roche ! »
Malgré tout, l’IATA maintenait que l’agence était responsable des pertes en vertu de sa « résolution 812 » (qui énonce les responsabilités des agences membres de l'IATA concernant la vente de billets d'avion).
Me Guay a quant à lui porté des précédents à l’attention du Commissaire. En effet, dans plusieurs affaires de fraude semblables survenues antérieurement, des agences avaient été dégagées de toute responsabilité par l'ARC (Airlines Reporting Corporation) après qu’il ait été établi qu’elles avaient fait preuve de diligence raisonnable.
La Commissaire rend sa décision
Le Commissaire – en fait, la Commissaire en l’occurrence, puisqu’il s’agit d’une dame : Veronica Pacheco-Sanfuentes – a rendu sa décision le 19 février. À la page 8 de la décision qui compte 10 pages, voici en substance ce que dit la Commissaire, indique Me Guay :
« Si une agence prend tous les moyens appropriés pour protéger l’accès au GDS, elle ne peut pas être tenue responsable d’une fraude perpétuée sur son système de réservation. »
L’avocat cite aussi la conclusion de la commissaire :
« L'agent n'est pas mandaté pour payer tout ADM [Agent Debit Memo] émis par la compagnie aérienne en lien avec ces 95 billets frauduleusement émis. De plus, aucun dossier négatif ne devrait être conservé sur le fichier de l'agence quant aux conséquences de cette fraude. »
Une victoire !
C’est exactement ce qu’espérait entendre Me Guay. « C’est à 100 % ce que j’ai plaidé », se félicite-t-il.
L’avocat précise par ailleurs ne pas être étonné par la décision de la commissaire qui, explique-t-il, « suit une jurisprudence constante des commissaires ».
Mais…
L’IATA pourrait encore toutefois porter en arbitrage cette décision de la commissaire Pacheco-Sanfuentes. L’Association a jusqu’à 15 jours après la décision pour le faire.
Au moment de notre entretien avec Me Guay, l’IATA n’avait pas encore annoncé ses intentions.
Une deuxième affaire
Parallèlement à cette affaire, l’avocat représente une autre agence impliquée dans une cause très semblable.
Un élément important distingue toutefois les deux causes. Dans le premier cas, les quatre employées concernées avaient affirmé dans des affidavits qu’elles n’avaient à aucun moment répondu à une tentative d’hameçonnage.
Dans le second, quelqu’un est bel et bien tombé dans le piège d’un arnaqueur. Ce dernier a ensuite attendu une dizaine de jours avant de passer à l’action. Il a alors acheté, un samedi soir, une centaine de billets de la RAM avec départ rapproché (du dimanche au lundi matin). Une fraude d’environ 200 000 $ encore une fois.
À nouveau, l’avocat a porté l’affaire devant la TAC (toujours Veronica Pacheco-Sanfuentes). À nouveau, il lui a présenté des éléments de jurisprudence favorable à l’agence qu’il représente.
Il évoque notamment une décision datant du 17 octobre 2023 dans une affaire très semblable où un agent avait été piégé par un arnaqueur. Dans cette affaire, la commissaire estimait que l’agence avait pris toutes les mesures nécessaires et requises par Sabre et qu’elle ne pouvait être tenue responsable.
On devrait bientôt connaître la décision de la TAC pour ce qui est de la deuxième agence représentée par Me Guay.
À suivre !
Entre-temps, Me Daniel Guay continue de croire les fraudeurs ont pu faire (ou pourraient encore faire) d’autres victimes, et il invite les agences à redoubler de prudence. L’avocat convie aussi les éventuelles victimes à le contacter à DanielGuayavocat@hotmail.com.
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